Imaginez un grand chalet de bois sombre, accroché à la montagne vosgienne, dans lequel on jouerait du théâtre. Ce lieu unique, c'est le Théâtre du peuple de Bussang. Depuis sa création par Maurice Pottecher, en 1895, il maintient bien vivante l'utopie d'un art populaire, dans ce paisible village, à une centaine de kilomètres de Nancy et Mulhouse.Dans la vaste salle aux bancs de bois, la devise, qui court de part et d'autre du pignon de la cage de scène, claque comme un manifeste : "Par l'art/Pour l'humanité". Le journaliste et dramaturge Maurice Pottecher, oncle du célèbre chroniqueur judiciaire, voulait s'inscrire contre ce qu'il appelait le "théâtre de bonbonnière" ou le "théâtre de digestion" - le théâtre de boulevard, à usage de consommation bourgeoise. Un siècle et quelques années plus tard, les derniers directeurs du Théâtre du peuple, François Rancillac, Jean-Claude Berrutti, Christophe Rauck, ont veillé à maintenir cette exigence, dans ce lieu emblématique de la décentralisation théâtrale à la française. C'est cette exigence artistique qui a permis à Bussang d'être une des rares expériences théâtrales où peuvent se rencontrer des publics issus d'horizons géographiques et sociaux très différents.
En poste depuis 2006, l'auteur et metteur en scène Pierre Guillois, 40 ans, s'attaque à son tour à la quadrature du cercle. Après avoir monté Ubu roi, d'Alfred Jarry, en 2006 et écrit spécifiquement pour le lieu un texte, Les Affreuses, en 2007, il crée cette année une pièce qu'il a commandée à l'auteur Rémi De Vos, Le Ravissement d'Adèle.
C'est le traditionnel spectacle d'après-midi, qui est inscrit au cahier des charges très précis du théâtre. Comme l'est le travail avec des comédiens amateurs de la région, élément essentiel du projet de Pottecher. Pendant tout le mois d'août, il y aura aussi un spectacle le soir, un "cabaret allumé" mêlant théâtre, cirque et musique : Hop là ! Fascinus !
BONHEUR ET RÉUSSITE
Avec ce Ravissement d'Adèle, Pierre Guillois réussit son pari. La pièce est signée par un auteur âgé de 45 ans, Rémi De Vos, dont les pièces sont de plus en plus jouées - Niels Arestrup va notamment en créer une nouvelle, Beyrouth Hotel, à la rentrée 2008. Normal : il fait preuve d'un talent incontestable dans un registre qui avait été trop négligé ces dernières années : la comédie intelligente.
Dans un village qui pourrait ressembler à Bussang et à des milliers d'autres, une jeune fille disparaît. Fugue, enlèvement, meurtre, suicide ? Les mécanismes de la peur, du soupçon, de la haine et de la rumeur se déclenchent. Rémi De Vos les observe avec une acuité qui n'épargne aucune médiocrité. L'intrigue policière, parfaitement menée, est en même temps systématiquement déjouée par une série de décalages. Notamment le personnage de l'inspecteur, un garçon trop gentil pour être flic.
C'est méchant, mais juste. Et très drôle. Rémi De Vos passe à la loupe, par petites touches, les échecs du couple et de la famille, les angoisses d'une société, la nôtre, où l'enfant est mis au centre de tous les espoirs de bonheur et de réussite. La mise en scène incisive de Guillois s'appuie sur une scénographie efficace et réaliste, qui juxtapose sur scène les espaces privés des personnages. Et sur d'excellents acteurs, les "pros" Dominique Parent et Olivier Martin-Salvan notamment. Mais aussi des amateurs confirmés comme Jean-Claude Luçon ou Christiane Lallemand.
Mais le fin du fin à Bussang, ce qui est attendu avec impatience par les habitués comme par les novices, c'est l'ouverture des portes de fond de scène sur la forêt vosgienne : un moment toujours magique, qui fait entrer l'air du dehors dans l'espace clos du théâtre. Chaque metteur en scène en use comme il l'entend. Pierre Guillois, lui, ouvre les portes dès le début du spectacle et utilise cet espace naturel comme élément essentiel de sa mise en scène. Lui donnant ainsi un fantastique poids de réalité et de merveilleux tout à la fois. Magique, décidément.
Le Ravissement d'Adèle de Rémi De Vos. Mise en scène : Pierre Guillois. Avec Elsa Bouchain, Olga Grumberg, Olivier Martin-Salvan, Dominique Parent et les comédiens amateurs de la région.
Théâtre du peuple, Bussang. Tél. : 03-29-61-50-48. Jusqu'au 30 août. Du mercredi au dimanche, à 15 heures. De 6 € à 21 €. Durée : 3 heures.
Avec ce Ravissement d'Adèle, Pierre Guillois réussit son pari. La pièce est signée par un auteur âgé de 45 ans, Rémi De Vos, dont les pièces sont de plus en plus jouées - Niels Arestrup va notamment en créer une nouvelle, Beyrouth Hotel, à la rentrée 2008. Normal : il fait preuve d'un talent incontestable dans un registre qui avait été trop négligé ces dernières années : la comédie intelligente.
Dans un village qui pourrait ressembler à Bussang et à des milliers d'autres, une jeune fille disparaît. Fugue, enlèvement, meurtre, suicide ? Les mécanismes de la peur, du soupçon, de la haine et de la rumeur se déclenchent. Rémi De Vos les observe avec une acuité qui n'épargne aucune médiocrité. L'intrigue policière, parfaitement menée, est en même temps systématiquement déjouée par une série de décalages. Notamment le personnage de l'inspecteur, un garçon trop gentil pour être flic.
C'est méchant, mais juste. Et très drôle. Rémi De Vos passe à la loupe, par petites touches, les échecs du couple et de la famille, les angoisses d'une société, la nôtre, où l'enfant est mis au centre de tous les espoirs de bonheur et de réussite. La mise en scène incisive de Guillois s'appuie sur une scénographie efficace et réaliste, qui juxtapose sur scène les espaces privés des personnages. Et sur d'excellents acteurs, les "pros" Dominique Parent et Olivier Martin-Salvan notamment. Mais aussi des amateurs confirmés comme Jean-Claude Luçon ou Christiane Lallemand.
Mais le fin du fin à Bussang, ce qui est attendu avec impatience par les habitués comme par les novices, c'est l'ouverture des portes de fond de scène sur la forêt vosgienne : un moment toujours magique, qui fait entrer l'air du dehors dans l'espace clos du théâtre. Chaque metteur en scène en use comme il l'entend. Pierre Guillois, lui, ouvre les portes dès le début du spectacle et utilise cet espace naturel comme élément essentiel de sa mise en scène. Lui donnant ainsi un fantastique poids de réalité et de merveilleux tout à la fois. Magique, décidément.
Le Ravissement d'Adèle de Rémi De Vos. Mise en scène : Pierre Guillois. Avec Elsa Bouchain, Olga Grumberg, Olivier Martin-Salvan, Dominique Parent et les comédiens amateurs de la région.
Théâtre du peuple, Bussang. Tél. : 03-29-61-50-48. Jusqu'au 30 août. Du mercredi au dimanche, à 15 heures. De 6 € à 21 €. Durée : 3 heures.
